Petit sujet mais grande motivation
Je viens juste d’arriver en stage à Ouest-France Saint-Brieuc. Rasé de frais, stylo en alerte, j’ai le bloc-notes qui frétille d’être encore vierge. Ce matin, entre le café et les salutations, un communiqué tombe : «opération taies d’oreiller en couleurs ». Le sujet m’est attribué !
De prime abord, rien de bien excitant : l’hôpital de la ville lance une collecte de taies d’oreiller pour égayer les chambres des enfants. Il m’incombe alors de mettre de côté l’émotion causée par une si grande responsabilité pour me concentrer sur le sujet du reportage. Mouais… «Petit sujet mais grande motivation» me réconfortais-je alors.
Arrivé à l’hôpital, il fallut bien me soumettre à l’idée que le sujet n’était pas aussi léger que je le pensais. J’avais face à moi une fillette de 7 ans, atteinte d’un cancer incurable. Dans la salle de jeu, infirmières, médecins, parents et amis entouraient quelques enfants malades.
Force m’était alors de constater que ma venue était impatiemment attendue. Autour d’un goûter, la fillette m’expliqua qu’elle en avait marre de dormir dans des draps uniformes dont les couleurs ne variaient que du rose défraîchi au blanc impersonnel. Elle me dit aussi avec un naturel désarmant qu’il ne lui restait plus que quelques mois à vivre et que de ne pas dormir dans sa parure Walt Disney l’attristait. Elle eut donc l’idée de placarder des affiches dans son école pour récolter des taies d’oreiller aux motifs plus joyeux.
Je me souviens des photos prises avec ces enfants dépliant des taies aussi grandes qu’eux. Je me souviens aussi de cette boule nouée au fond de ma gorge et de mes premiers pas vacillants sur le parking, en sortant. Et, je me rappelle encore de ce mot de mon rédacteur en chef: « Le journaliste c’est aussi celui qui a le pouvoir de donner la parole à ceux qui ne l’ont pas.» J’avais rempli ce rôle à petite échelle, mais déjà du premier barreau, j’avais le vertige…
Clément Moutiez