Le flegme du journaliste à toute épreuve !
Caractérisé par son ébahissement permanent, presque agaçant pour le commun des journaliste, le stagiaire peut facilement passer pour un pantin désarticulé jusqu'au jour où le destin s'en mêle.
Décembre 2007, alors que j'effectue mon stage à France 3, une équipe est dépêchée sur une manifestation étudiante à Lille. « Miracle ! » Ils décident enfin d'user de moi. Persona non grata dans ce type de protestation, mes collègues préfèrent assurer leurs arrières et me confient la mission de chauffeur. Je me retrouve donc au volant du véhicule de la rédaction, cerné de part et d'autre par le cortège des manifestants et par une escouade des forces de l'ordre. En stagiaire dévoué, je prends la tête du cortège, les yeux fixés sur le rétroviseur arrière. « Chic ! » Une certaine fierté m'envahit.
Arrivé aux abords de la Grand-Place de Lille, les journalistes disparaissent dans le ventre mou de la procession, à la recherche d'images tonitruantes pour le JT du soir. L'épopée tourne alors au cauchemar quand une odeur de brûlé envahit subrepticement le véhicule : « Ca sent le roussi ! » Un nuage ardent de fumée blanche s'échappe brusquement du capot. Puis, plus rien.
Après plusieurs tentatives infructueuses pour redémarrer le moteur, je m'aperçois que le cortège de protestataires se trouve à seulement quelques encablures de moi. Et toujours aucune trace des journalistes. La voiture se met alors à vaciller. Les visages s'enchaînent et les mandales se multiplient sur les vitres. La fumée redouble d'intensité et je décide de m'extirper de l'habitacle. Une éternité plus tard, les journalistes s'acheminent stoïquement jusqu'à moi. Fort heureusement, ces derniers constatent sans surprise mes déboires. « Cela nous arrive tout le temps ! », lance l'un d'eux. Encore une fois, l'étonnement du stagiaire tranche avec le flegme du journaliste expérimenté.